Épistémologie

Émergence et observation macroscopique

Analyse macroscopique des grands systèmes : émergence épistémique et agrégation spatio-temporelle

Robin Lamarche-Perrin. Thèse de doctorat en informatique, supv. Yves Demazeau and Jean-Marc Vincent, Université de Grenoble, 2013.

L’analyse des systèmes de grande taille est confrontée à des difficultés d’ordre syntaxique et sémantique : comment observer un million d’entités distribuées et asynchrones ? Comment interpréter le désordre résultant de l’observation microscopique de ces entités ? Comment produire et manipuler des abstractions pertinentes pour l’analyse macroscopique des systèmes ? Face à l’échec de l’approche analytique, le concept d’émergence épistémique – relatif à la nature de la connaissance – nous permet de définir une stratégie d’analyse alternative, motivée par le constat suivant : l’activité scientifique repose sur des processus d’abstraction fournissant des éléments de description macroscopique pour aborder la complexité des systèmes.

Cette thèse s’intéresse plus particulièrement à la production d’abstractions spatiales et temporelles par agrégation de données. Afin d’engendrer des représentations exploitables lors du passage à l’échelle, il apparaît nécessaire de contrôler deux aspects essentiels du processus d’abstraction. Premièrement, la complexité et le contenu informationnel des représentations macroscopiques doivent être conjointement optimisés afin de préserver les détails pertinents pour l’observateur, tout en minimisant le coût de l’analyse. Nous proposons des mesures de qualité (critères internes) permettant d’évaluer, de comparer et de sélectionner les représentations en fonction du contexte et des objectifs de l’analyse. Deuxièmement, afin de conserver leur pouvoir explicatif, les abstractions engendrées doivent être cohérentes avec les connaissances mobilisées par l’observateur lors de l’analyse. Nous proposons d’utiliser les propriétés organisationnelles, structurelles et topologiques du système (critères externes) pour contraindre le processus d’agrégation et pour engendrer des représentations viables sur les plans syntaxique et sémantique. Par conséquent, l’automatisation du processus d’agrégation nécessite de résoudre un problème d’optimisation sous contraintes. Nous proposons dans cette thèse un algorithme de résolution générique, s’adaptant aux critères formulés par l’observateur. De plus, nous montrons que la complexité de ce problème d’optimisation dépend directement de ces critères.

L’approche macroscopique défendue dans cette thèse est évaluée sur deux classes de systèmes. Premièrement, le processus d’agrégation est appliqué à la visualisation d’applications parallèles de grande taille pour l’analyse de performance. Il permet de détecter les anomalies présentes à plusieurs niveaux de granularité dans les traces d’exécution et d’expliquer ces anomalies à partir des propriétés syntaxiques du système. Deuxièmement, le processus est appliqué à l’agrégation de données médiatiques pour l’analyse des relations internationales. L’agrégation géographique et temporelle de l’attention médiatique permet de définir des évènements macroscopiques pertinents sur le plan sémantique pour l’analyse du système international. Pour autant, nous pensons que l’approche et les outils présentés dans cette thèse peuvent être généralisés à de nombreux autres domaines d’application.
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Joël de Rosnay. Le Macroscope. Seuil, 1975.



Conceptualisation de l’émergence : dynamiques microscopiques et analyse macroscopique des SMA

Robin Lamarche-Perrin. In Plateforme AFIA 2011 : Atelier Futur des Agents et des Multi-Agents (FUTURAMA’11), Chambéry, 2011.

Observation macroscopique et émergence dans les SMA de très grande taille

Robin Lamarche-Perrin, Yves Demazeau and Jean-Marc Vincent. In Emmanuel Adam and Jean-Paul Sansonnet (eds.), Actes des 19es Journées Francophones des Systèmes Multi-Agents (JFSMA’11), p. 53-62, Valenciennes, 2011.

La décentralisation et l’asynchronisme croissant des SMA posent un problème de fond à l’IA : comment réaliser une analyse macroscopique de systèmes conçus au niveau microscopique ? Cet article propose de répondre à ce problème en élaborant un concept d’émergence adéquat. Les origines philosophiques de la notion d’émergence permettent de formuler les exigences d’une telle conceptualisation.

L’idée principale tient sur le fait que les phénomènes émergents ne doivent pas être considérés comme une propriété des SMA, mais comme une propriété de la méthode d’observation utilisée. Nous parlons d’émergence épistémique. Deux exigences concernant l’approche des SMA sont formulées à partir de ce concept. Nous présentons une méthode d’observation macroscopique compatible avec ces exigences et répondant ainsi à la problématique de cet article.
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L’analyse des SMA de très grande taille nécessite de passer de la conception microscopique des agents à une description macroscopique de l’exécution. Cet article propose de résoudre trois difficultés liées à ce changement de niveau. (1) Il définit le concept d’émergence comme une propriété relative à l’observation et le formalise à partir des notions de description et de complexité.

(2) Il présente des outils pour modéliser la causalité au sein des exécutions. Des opérations d’agrégation permettent dans un second temps d’engendrer des descriptions causales macroscopiques. (3) Il propose une méthode d’observation macroscopique (i.e., engendrant directement des descriptions agrégées) pour appliquer ces outils aux SMA de très grande taille. Cette approche est enfin évaluée sur un exemple classique de colonie de fourmis.
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Philosophie de l’intelligence artificielle

Des collaborations possibles entre intelligence artificielle et philosophie de l’esprit

Robin Lamarche-Perrin. In Anna C. Zielinska (ed.), Repenser les rapports entre sciences et philosophie, Recherches sur la philosophie et le langage, vol. 29, p. 47-65. Vrin, Paris, 2014.

Dans cet article, les relations logiques entre deux problèmes paradigmatiques concernant l’intelligence des machines (IA faible et IA forte) servent à exemplifier les rapports possibles entre intelligence artificielle et philosophie de l’esprit. Après avoir écarté la méthode béhavioriste de Turing (IA faible → IA forte) et l’hypothèse computationnaliste de Newell & Simon (IA faible ↔ IA forte), l’article s’intéresse à la démarche critique adoptée par Dreyfus.

Son analyse du computationnalisme, appuyée sur l’examen de ses origines philosophiques, constitue une stratégie logique féconde pour penser les rapports entre intelligence artificielle et philosophie de l’esprit (IA forte → IA faible). Cette stratégie peut également être exploitée pour résoudre des difficultés conceptuelles relatives à la simulation informatique des phénomènes émergents. Le concept d’« émergence épistémique », emprunté aux controverses de la philosophie britannique, induit notamment des résultats méthodologiques intéressants pour l’intelligence artificielle. Ce rapprochement particulier (IA forte → IA faible) débouche sur un second mode de collaboration (non IA faible → non IA forte) au sein duquel l’intelligence artificielle devient à son tour une philosophie expérimentale, i.e. une science au service de la philosophie.
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Tim van Gelder. Dynamics and cognition. Bradford/MITP, 1996.


Des collaborations possibles entre philosophie et intelligence artificielle

Robin Lamarche-Perrin. Mémoire de master en philosophie, supv. Denis Perrin, Université Pierre-Mendès-France, Grenoble, 2012.

Le Test de Turing pour évaluer les theories de l’esprit

Robin Lamarche-Perrin. Master Thesis in Philosophy, supv. Max Kistler, Université Pierre-Mendès-France, Grenoble, France, 2010.

Ce mémoire s’intéresse aux collaborations possibles entre intelligence artificielle et philosophie. Il montre que les deux disciplines peuvent partager des objets, des théories et des résultats pour apprendre l’une de l’autre. La stratégie de ce mémoire consiste à expliciter des relations épistémologiques entre les problématiques propres aux deux disciplines (« IA faible » et « IA forte »), afin de définir des modes de collaboration sur le plan disciplinaire.

La deuxième partie de ce mémoire présente les travaux de philosophes et de spécialistes de l’IA, depuis les débuts de l’intelligence artificielle jusqu’aux années 80. Elle expose les démarches collaboratives exploitées par ces chercheurs, de manière implicite ou explicite. La troisième partie présente des travaux où la philosophie sert de socle conceptuel à l’intelligence artificielle, notamment en ce qui concerne la simulation de phénomènes émergents. La quatrième partie réalise un renversement des relations classiques entre les deux disciplines. C’est au tour de l’intelligence artificielle de se mettre au service de la philosophie, en formulant de nouvelles hypothèses de recherche ou en testant les théories philosophiques à partir de cas concrets. Ce mémoire, enfin, espère œuvrer pour le rapprochement des deux disciplines et ainsi encourager philosophes et spécialistes de l’IA à collaborer sur les sujets qui leurs sont chers.
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Ce mémoire propose une méthode pour confronter les théories de l’esprit répondant à la problématique générale : quelles machines ont un esprit, et pourquoi ? Dans notre approche, les réponses extensives engendrées par les théories sont utilisées pour délimiter leurs points de désaccords et identifier des cas de divergence cruciaux. L’évaluation et le choix d’une théorie est ainsi éclairé par une analyse focalisée sur de tels cas particuliers.

Voici comment est présentée notre approche. La partie 2 introduit une méthode empirique assez classique pour définir la notion d’esprit de manière comportementale. Il s’agit du test de Turing. La partie 3 propose d’évaluer ce test en le confrontant à une seconde définition de la notion d’esprit : le sens fonctionnel. Les divergences entre ces deux définitions permettent de révéler des contradictions et des incohérences entre deux théories de l’esprit. Le choix entre l’une ou l’autre et les raisons d’un tel choix sont obtenus à partir de l’étude de ces cas particuliers. La partie 4 applique cette méthode d’évaluation aux débats historiques qui ont opposé au XXe siècle trois théories fonctionnalistes. Il s’agit du cognitivisme, du connexionnisme et du modèle énactif de l’esprit. Les évaluations passées de ces théories sont reformulées et clarifiées à l’aide de l’approche développée dans ce mémoire.
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